Cyril CHARTIER-POYET | |
Le
parcours pictural de Cyril Chartier-Poyet semble une
quête des origines. Parti dune peinture figurative
assez euphorique, il a vite mis sa technique entre
parenthèses pour sadonner à une tâche plus
ingrate : proposer au regardeur une vision davantage
spontanée, jai envie de dire primaire. Il va avec
cette exposition encore plus loin, retrouvant des gestes
digitaux de déchirement tout en revenant aux prémisses
de lhéritage matissien : découper dans la
surface colorée. Sauf que Cyril Chartier-Poyet enlève
de la couleur et donc de la matière, et surtout
quil recourt à des papiers récupérés, dont la
texture usée linterpelle de tous ses sens. Il les
découvre du point de vue de ses diverses tonalités, de
différentes formes et qui parfois imposent leur
plastique, leur souplesse, bref leur relief. Il leur
donne alors un pli comme on donne un sens aux choses en
les sauvant du rejet consommatif avant de les recycler
dans le circuit de lart. La matière arrachée puis
dépliée produit délégants dessins répétitifs
et souvent symétriques qui occupent toute la surface
avec un souci de varier les motifs. Un outil tranchant
prolonge parfois le geste digital. Comme on le voit le
vide joue son rôle à plein, laissant se profiler
délégantes broderies, légères et fragiles, au
graphisme complexe et allusif, que lon ne peut
sempêcher, et cest dans cet esprit que
jévoquais la quête dune primitivité du
geste, de rapprocher de lunivers de lenfance
et ses jeux manuels (doù le titre Happy Hand).
Car il y est question de ludique, jusque dans le fait de
jouer avec les possibilités dépuiser nos
capacités scopiques. Avec en plus le plaisir de la
découverte, une fois le papier retourné, passé
lépreuve subie du déchirement. Les papiers,
déjà utilisés, sont tantôt livrés à leur seule
pesanteur, à linstar dune toile libre, et
ils dessinent leur architecture ouvragée directement sur
le mur, tantôt encadrés sous verre, transfigurant alors
leur élégance naturelle, la hissant au niveau du plus
noble art : celui du vitrail en particulier, ou de
la ferronnerie ouvragée des maîtres duvres.
Mais aussi celui du plus simple, comme la broderie,
peut-être même une certaine bande dessinée, mais
géométrique, abstraite et dont le dessin
savèrerait cerné comme dans certains figuratifs
dits libres. Mais sans la peinture ou plus exactement la
Peinture ici sinscrit en creux, de
lévidemment de la matière colorée. La couleur,
voire limage qui transparaît entre les multiples
découpes, joue son rôle à plein, favorisant les
vibrations sensorielles de même que le verso, dont le
reflet vient colorer le support mural. Les formats ne
sont pas très grands, il sagit de préserver une
certaine intimité liée à la primauté manuelle en tant
que la main induit le geste, lequel marque de son emprise
la réalité concrète figurée ici par le papier tout
trouvé. Jai évoqué Matisse mais je puis tout
aussi bien citer Duchamp : ces découpages digitaux,
nont-ils en définitive pas à voir avec le
ready-made, si lon veut bien donner à cette
expression son sens immédiat de : vite fait ?
Mais jaurais tendance à y ajouter : bien
fait, dans les règles dun art qui sinterroge
sur ses tenants et aboutissants. Matisse et
Duchamp : comment concilier les irréconciliables.
Vous en aviez rêvé ? Chartier-Poyet la fait.
Cyril Chartier-Poyet sera de surcroît lun des
artistes de lexposition estivale dans le cadre de
Casanova Forever, avec entre autres un autre peintre tout
aussi inventif : David Wolle. Mais ceci est une
autre histoire. |
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